Tout a commencé par un train qui avait trois minutes de
retard.
Non, pour être tout à fait exact, tout a commencé 50 minutes plus
tôt, par une compilation qui n'en finissait pas. Qui n'en finissait
pas. Qui n'en finissait vraiment pas. Une n-ième compilation du
noyau Linux, pour changer (cherchez pas, c'est pour le boulot).
Avant de partir une semaine, il fallait quand même que je m'assure
un minium que tout était prêt, que tout se passerait bien. Non pas
que je laissais quelque chose de vraiment important, capital et
nécessaire. Mais au cas où... Même pas le temps de tester, donc,
avec cette compilation qui n'en finit pas. Le train est à 17h10,
donc en partant vers 16h ça devait largement aller. Sauf que le
sort en a décidé autrement, et donc à 16h15 je suis toujours là. À
16h20 aussi. À 16h25 encore. Je décide de partir en laissant la
compil' tourner dans un screen distant, au cas où, on sait
jamais.
Me voilà donc parti, sur les chapeaux de roues. Pieds, bus, métro,
mon sac sur le dos, les couloirs, les gens, le bus qui tarde, le
métro qui arrive, qui s'arrête trop longtemps, le changement, le
métro qui arrive, qui s'arrête trop souvent, ma montre qui avance,
qui avance. Le métro qui arrive enfin, les couloirs à nouveau, ma
montre qui me donne encore quelques minutes, les gens avachis dans
les escalators, comme s'ils avaient tout le temps, comme si eux
étaient partis à 16h. J'ai encore quelques minutes pour arriver à
la voie. La voie ? Quelle voie ? Pourquoi elle n'est pas annoncée ?
J'ai verifié 15 fois l'horaire, j'ai eu le temps dans le métro qui
s'arrêtait, s'arrêtait, s'arrêtait... S'il n'est pas annoncé, c'est
qu'il n'est plus annoncé, ce train. S'il n'est plus annoncé, c'est
qu'il n'est plus là. Jamais loupé de trains en 3 ans à Rennes, ça
va quand même pas être mon deuxième en deux mois quand même.
Regards affolés, je cours quand même, parce que l'horloge de la
gare, tout en étant 2 minutes plus exacte que la mienne, ne marque
quand même que 17h10. On sait jamais. Pourvu qu'on ne sache jamais,
oui.
Alors je cours, je fusille les gens du regard, et me dirige
naturellement vers la voie 1 et sa grande assiette. Au cas où,
parce qu'on sait jamais. Pourvu qu'on sache jamais, non. Un train
sur la voie 1, une sonnerie, pas de destination, un contrôleur. Le
train pour Brest ? Le train pour Brest. Je me jette dedans, hors
d'haleine. Le traverse de part en part. Dans les hauts parleurs
résonne la voix de la voie une. Qui s'excuse pour les 3 minutes de
retard au départ, pour cause de voyageur malade. On ne sait jamais,
oui. Et merci au voyageur.
Tout continue avec un bouquin, de la musique, la nuit qui tombe, le
train qui passe à Rennes sans s'y arrêter et qui file droit vers
Brest. Droit mais lentement. Mais tout droit quand même.
Rien à voir à l'arrivée, il fait nuit, tant pis pour la côte, tant
pis pour la mer. Terminus. D'un terminus à l'autre. J'aime bien les
terminus, la voie s'arrête, ou démarre. Avant, le métro. Après, le
bateau. Ou la nage. Ou quoi que ce soit, mais en tout cas la mer.
Enfin on la voit pas au bout de la voie. De toute façon il fait
nuit, et de toute façon je ne le regarderais pas, parce que je la
voie, elle. Et me voilà arrivé, brutalement, dans ses bras, à
elle.
Balade dans Brest la nuit, la fac, le pont, la cité-u, puis son
petit appartement; son chez elle; sa vie.
Tout continue par des balades, des coups à boire, de la musique, se
faire à manger. Déguster. Mater des films. Encore de la musique.
Bouquiner. Visite des étagères, Pierre & le loup, La
belle lisse poire du prince de Motordu, Petit jaune et petit
bleu. Madeleines de Proust. Frissons sur les bois quand
retentissent les premières notes de Prokofiev.
Finalement c'est ça, cette semaine. Découvertes. De sa vie, de sa
ville, de chez elle, de ses amies, de sa sœur. Petite vie
quotidienne, sorties tranquilles. Travailler aussi. Séances
studieuses, se lever tôt. Haem. Se lever tôt, donc, et travailler,
rapport de stage, devoirs, ambiance calme. Pas un mot. Le bruit des
touches et du stylo. Se reposer, siestes.
Vacances, reposantes, fatiguantes, reposantes. Décrocher,
complètement. Déconnecter. Regarder ses mails dans les bars à wifi
(la machine à expresso access point, tout ça). Trier 300 spams,
laisser tomber. Repartir, loin de tout ça.
Écrire, le rapport, le post. Sentir l'inspiration venir. La laisser
taquiner, trouver sa voie. La voie 1. Prendre son temps, y penser
avant de coucher sur l'écran, et retrouver le plaisir. Sortir vim,
écrire offline, en musique, pendant qu'elle est en cours. Le vin,
le chocolat, le café l'attendent. Moi aussi.
Prendre des photos, aussi. Sortir à peine, épargner au Monde les
couchers de soleil mille fois vus. Garder les photos pour
nous.
Laisser le post de côté pour le reprendre plus tard, laisser
décanter.
Plus tard. Quelques jours plus tard. Reprendre le post, là où il en
était. Le reprendre sous la Lune, pleine, qui rit dans le ciel. La
Lune qu'on a vu grandir au long de la semaine, dans le ciel qui
chaque jour s'éclaircissait. Pleine ce soir, on dirait. Pleine au
dessus du TGV qui repart vers l'est. Croisement à Guingamp avec le
TGV qui repart vers Brest. Soupir.
Rentrer à Paris, le cœur gros, forcément, mais malgré tout heureux,
forcément. Repenser aux jours avec, aux jours sans. Au soleil sur
la mer, au vent froid qui s'insinue partout, aux écharpes,
emmitouflés dans les pulls. Les chocolats chauds. Cocooning ou
balades dans le froid, les sélections de films, au hasard ou au
nom. Aller à Quimper et puis finalement aller voir la mer, au bout,
avant la toute fin.
Tomber malade, comme toujours. Se soigner à l'aspirine, et faire
des projets, pour plus tard. Pour demain et pour après. Vivre à la
dure et passer du bon temps.
Bref, profiter, tant et plus, tant qu'on peut. Profiter.
Et retour. Morlaix, Guingamp, Saint-Brieuc, Rennes, Paris. Des
semaines difficiles à venir. Rapport de stage à finir, du boulot,
bientôt la fin du stage, le temps qui passe très vite. Et on l'en
remercie, d'ailleurs.
Et voilà, de la maison, poster, finalement, ce bout de .txt. Et
bientôt quelques photos. Qui ne sauront ni l'un ni l'autre
présenter correctement cette semaine, mais bon, c'est pas ce qu'on
leur demande, après tout.
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